Cluny est Charlie

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Le samedi 10 janvier 2015 restera comme une date historique à Cluny et dans bien d’autres localités de France et du monde. De mémoire de Clunisois, jamais autant de monde ne s’était réuni dans les rues dans un même élan de fraternité, au-delà des bisbilles du quotidien.

Comme partout en France, le soutien aux victimes des actes terroristes à Charlie Hebdo, à Montrouge, à la porte de Vincennes et à Dammartin-en-Goële fut total à Cluny. Mercredi 7 janvier, quelques heures après la tuerie qui emportait 14 journalistes et salariés du journal satirique, et alors que le symbole du rassemblement #JeSuisCharlie commençait de se répandre sur les réseaux sociaux, l’idée d’une marche citoyenne à Cluny circulait déjà dans les boîtes mails. Un peu plus tard, une autre initiative appelait à un moment de solidarité sur la place de l’abbaye le lendemain midi, au moment de la minute de silence décrétée par le président de la République dans toute la France.

A l’heure dite le jeudi 8 janvier, ils sont près de 300 personnes à rendre hommage aux victimes des attentats de Charlie Hebdo devant les écuries de Saint-Hugues. Partout à la même heure, la vie se fige quelques instants. Dans le cloître de l’abbaye, l’administrateur des Monuments nationaux et le directeur des Arts-et-Métiers prennent l’initiative de réunir leurs personnels respectifs et les élèves ingénieurs pour quelques instants de recueillement. Sur la colline du Fouettin, le proviseur du lycée et le principal du collège conviennent également de réunir leurs deux établissements dans la cour Pierre-Dameron, où 13 élèves de l’association des lycéens brandissent le slogan « Je suis Charlie ».

Ces élèves descendront spontanément quelques minutes plus tard sur la place de l’abbaye pour participer au rassemblement citoyen, qui se déplace alors vers le monument aux morts de la rue du 11 août 1944 pour y déposer des bougies et prendre un nouveau temps de silence en hommage aux victimes. Malgré l’appel à dépasser les clivages politiques, les élus locaux restent malheureusement chacun dans de leur côté dans ce rassemblement exemplaire.

A la tombée de la nuit, les Gadz’arts de Cluny remettent ça en formant un grand cercle dans le cloître où chacun brandit un crayon en guise d’arme face aux terroristes. A Taizé, les frères consacrent une prière œcuménique aux victimes.

Les hommages aux caricaturistes disparus sont à peine commencés, que de nouveaux drames se jouent le vendredi, en direct à la télévision, à la radio et surtout sur les smartphones. Dans les cours de récréation, au bureau, à la maison, ou sur le marché du samedi matin, on ne parle que de « ça ». Comme un besoin de libérer la parole, d’exprimer ses peurs et son incompréhension face à ce qui devient l’attentat le plus meurtrier sur le sol français après l’attaque du train Strasbourg-Paris en 1961. Même les bombes du métro Saint-Michel en 1995 n’ont pas fait autant de victimes.

#ClunyEstCharlie

Quand le cortège se forme sur le parking des Griottons ce samedi 10 janvier à 17h, la foule est déjà innombrable. Avec une pancarte, une bougie ou un crayon, chacun est venu défiler en silence dans une manifestation pacifique qui réunit les générations. C’est lorsque que le rassemblement s’étire lentement, que l’on prend la mesure de cet élan de solidarité. Du pont de la levée à la place de l’abbaye, le défilé est ininterrompu sur des centaines de mètres. On parle de 2000 à 3000 personnes qui marchent ensemble dans un même élan de fraternité. Dans la rue principale, de nombreux commerces affichent le slogan « Je suis Charlie » sur leur devanture, et certains ont même baissé leur rideau plus tôt pour participer au cortège.

Ce n’est rien de dire que la place de l’abbaye a du mal à contenir la foule qui se masse autour d’un cercle où chacun vient déposer une bougie ou un mot de réconfort aux victimes. Quelques-uns entament une Marseillaise, mais c’est finalement une longue salve d’applaudissements qui vient rompre le silence et donner le signal de la dispersion.

Alors que de nombreuses personnes restent encore quelques instants sur la place, d’autres prennent le chemin du quai de la gare pour partager une soupe en commun et assister à la projection de « L’an 01 » de Jacques Doillon. Avec 200 personnes, la salle polyvalente est pleine pour (re)découvrir ce film utopiste de 1971 (où l’on retrouve Cabu et Wolinski) qui lance le débat sur la possibilité d’un monde meilleur.

Dimanche, c’est sur les terrains de sport à Jean-Renaud ou à la Grangelot que, pendant quelques instants, on a pris le temps de penser aux victimes. Puis comme un symbole, les championnats ont repris après la trêve hivernale. Car la vie continue, peut-être un peu plus fraternelle.

Dessin : Lucuț Maréchal / Photos : L+auraAbbaye de ClunyMaison des lycéensAssociation des élèves / Vidéos : Cluny.TV